Printemps 2015, numéro 1
Les couples de même sexe et leur réalité familiale
Le déclin du mariage et le nombre croissant de divorces et de séparations ont favorisé l’apparition de nouvelles configurations familiales au Québec au cours des dernières décennies (Belleau, 2004; Ryan et Julien, 2007; Chamberland et autres, 2003). Parallèlement, des transformations sociales et légales, telles que le déclin des valeurs religieuses, le passage à une société de droit et de libertés civiles ainsi que l’interdiction de la discrimination basée sur l’orientation sexuelle, ont contribué à rendre plus visibles les couples de même sexe avec un ou des enfants, aussi appelés « familles homoparentales » (Tremblay et Julien, 2004; Ministère de la Justice, 2009). Plus récemment, l’adoption en 2002 de la Loi instituant l’union civile et établissant de nouvelles règles de filiation a permis aux couples de même sexe de franchir un pas de plus vers l’égalité juridique des minorités sexuelles. Dorénavant, un lien de filiation légal peut être établi entre un enfant et deux conjoints de même sexe (Chamberland et autres, 2006). Tous ces changements ont mené à une plus grande reconnaissance juridique et sociale des familles homoparentales (Tremblay et Julien, 2004).
Depuis maintenant une quarantaine d’années, des chercheurs en sciences humaines et sociales s’intéressent aux familles homoparentales. Les premières études ont été menées aux États-Unis. Elles sont nées d’une volonté de produire des données empiriques qui comparent les familles homoparentales avec les familles hétéroparentales, notamment sur le plan du développement des enfants et des habiletés parentales. Les chercheurs se sont ensuite intéressés au caractère unique des familles homoparentales (Julien, 2003). Même si, dans les dernières années, la recherche sur les familles homoparentales a connu un dynamisme sans précédent, ces familles demeurent somme toute assez peu connues. Les problématiques particulières aux couples de même sexe ayant au moins un enfant sont peu documentées et les données disponibles sont peu nombreuses (Ryan et Julien, 2007; Ministère de la Justice, 2009).
Le Recensement du Canada permet de dégager un portrait sommaire des familles homoparentales. En 2001, il fournit pour la première fois des données à propos de ces dernières en dénombrant les familles dirigées par un couple de même sexe vivant en union libre et les enfants qui vivent au sein de ces familles. En 2006, à la suite de la légalisation, l’année précédente, du mariage homosexuel au Canada, il permet aux conjoints de même sexe de s’identifier comme époux. Ainsi, depuis maintenant dix ans, le recensement est l’une des sources qui permet de mieux connaître les familles homoparentales au Québec.
Le présent bulletin s’appuie en grande partie sur les données du recensement de 2011. Cependant, pour rendre compte de certains aspects des familles homoparentales au sujet desquels les données recueillies en 2011 sont de qualité moindre, des données du recensement de 2006 sont également présentées. En effet, le questionnaire détaillé obligatoire du Recensement du Canada a été aboli et remplacé par l’Enquête nationale auprès des ménages de 2011 (ENM). En raison du caractère volontaire de l’ENM, une diminution des taux de réponse a été observée comparativement au questionnaire détaillé des recensements passés. Ces changements ont eu pour effet d’augmenter le risque de biais des données et de diminuer leur précision statistique. Ces risques sont encore plus grands pour des sous-groupes particuliers comme les familles homoparentales, en raison de leur petit nombre.
La famille dont il est question dans ce bulletin se rapporte à la définition de la famille de recensement de Statistique Canada, qui est basée sur la notion de corésidence. Cette définition repose sur les liens entre les personnes vivant au sein d’un même ménage. Selon Statistique Canada, la famille de recensement réfère à un couple – que les conjoints soient de sexe opposé ou de même sexe, mariés ou vivant en union libre, avec ou sans enfant à la maison – ou à un parent seul vivant avec au moins un enfant à la maison.
Le Recensement du Canada dénombre les familles homoparentales en permettant au répondant d’identifier l’un des membres d’un ménage privé comme époux ou partenaire en union libre de même sexe. Ainsi, dans le présent bulletin, les données utilisées pour traiter des familles homoparentales se rapportent à l’univers statistique des familles formées de conjoints de même sexe avec enfants, excluant ainsi les parents seuls homosexuels. Précisons toutefois qu’en raison de la non-disponibilité des données, certains renseignements sur les familles homoparentales sont présentés en adoptant la perspective statistique des personnes – conjoints ou enfants – par rapport à la famille. Cet univers statistique de référence sera identifié et précisé dans les sections concernées.
Ce bulletin s’intéresse aux caractéristiques et aux conditions de vie des familles du Québec composées de deux conjoints de même sexe et d’au moins un enfant à travers différentes variables telles que le type d’union, le sexe des conjoints, ainsi que la scolarité, l’activité sur le marché du travail et le revenu des parents. De la perspective de l’individu, il est aussi question de l’âge des conjoints et de leur lieu de résidence, ainsi que de l’âge des enfants qui vivent au sein de familles homoparentales. À des fins comparatives, seront également présentées des données sur les couples de même sexe sans enfant, ainsi que sur les couples de sexe opposé, avec ou sans enfant.
Table des matières
Dénombrer les couples de même sexe : un défi de taille!
De manière générale, le dénombrement des couples de même sexe pose divers problèmes méthodologiques. Certaines personnes peuvent être réticentes à déclarer vivre avec un conjoint de même sexe de peur de subir les contrecoups de la divulgation de leur orientation sexuelle (Tremblay et Julien, 2004). Aussi, la formulation des questions de recensement peut créer de la confusion. Les choix de réponse proposés ne permettent pas toujours de reconnaître clairement les couples de même sexe. Dans certains recensements effectués dans d’autres pays occidentaux, il n’existe pas de question simple permettant aux couples de même sexe de s’identifier comme tels sans ambiguïté. Le risque d’erreur de codage lors de la saisie des données est alors plus grand. Le nombre de couples de même sexe inscrits aux recensements peut par conséquent être sous-estimé (Cortina et Festy, 2014).
Or, le Recensement du Canada demande aux répondants le plus précisément possible le lien entre les membres d’un même ménage et il permet aux conjoints vivant sous un même toit de se déclarer époux de même sexe ou partenaires en union libre de même sexe. En formulant la question ainsi, Statistique Canada réduit les risques de confusion et de sous-déclaration (Cortina et Festy, 2014). Toutefois, en l’absence de question sur l’orientation sexuelle, il ne permet pas d’estimer le nombre d’hommes gais et de femmes lesbiennes qui vivent au Québec (Turcotte et autres, 2003). Il est à noter que, comme le Recensement du Canada se base sur la notion de corésidence, il ne dénombre pas comme couples de même sexe les conjoints qui n’habitent pas le même domicile, ni comme familles homoparentales celles composées d’un parent seul, ou celles dont les enfants n’habitent pas la même résidence. Ces limites s’appliquent également aux couples de sexe opposé et aux familles hétéroparentales, mais leurs effets sur le dénombrement des couples de même sexe et des familles homoparentales sont plus grands, en raison du petit nombre de ces derniers.
1. Les couples de même sexe et leurs caractéristiques familiales
Cette section du bulletin présente des données concernant l’évolution du nombre de couples de même sexe recensés au Québec au cours des dernières années, ainsi que quelques caractéristiques des familles homoparentales et des personnes qui les composent.
1.1 Une hausse considérable du nombre de couples de même sexe
Au Québec, en 2011, les couples de même sexe, avec ou sans enfant, sont au nombre de 18 430. Ils représentent 1 % des familles dirigées par un couple (tableau 1). Cette proportion est comparable dans le reste du Canada (0,8 %), où l’on trouve 46 145 familles dirigées par un couple de même sexe. Entre 2001 et 2011, le nombre de personnes qui déclarent vivre avec un conjoint de même sexe a considérablement augmenté au Québec. Durant cette période, le nombre de couples de même sexe est passé de 10 360 à 18 430 (figure 1). Il s’agit là d’un bond de 78 %. Cette hausse est encore plus importante dans le reste du Canada, où l’augmentation du nombre de couples de même sexe atteint 94 % (données non présentées). Pour la même période, le nombre de couples de sexe opposé a connu une augmentation de 9 % au Québec et de 12 % dans le reste du Canada (données non présentées).
Tableau 1 – Répartition en nombre et en pourcentage des familles dirigées par un couple, selon la situation conjugale des conjoints, Québec et reste du Canada, 2011
Figure 1 – Évolution du nombre de couples de même sexe, Québec, 2001, 2006 et 2011
On peut probablement voir dans cette croissance rapide du nombre de couples se déclarant de même sexe au moment du recensement le signe d’une plus grande acceptation sociale de l’homosexualité. Au cours des dernières décennies, le Canada s’est doté de différentes mesures législatives visant à reconnaître l’égalité juridique des hommes gais et des femmes lesbiennes1. Par ailleurs, le Québec a adopté, en 2009, une politique de lutte contre l’homophobie dont l’un des objectifs est de mener vers la pleine reconnaissance sociale des minorités sexuelles (Ministère de la Justice, 2009; Institut Vanier, 2013). Ces dispositions récentes ont possiblement contribué à réduire la méfiance des minorités sexuelles à se déclarer comme telles.
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1.2 Une faible proportion de parents2
En 2011, au Québec, on compte 1 410 couples de même sexe avec un ou des enfants, ou familles homoparentales, ce qui représente 8 % de l’ensemble des couples de même sexe, avec ou sans enfant. En comparaison, 50 % des familles dirigées par un couple de sexe opposé vivent avec au moins un enfant à la maison (figure 2).
Figure 2 – Répartition en pourcentage des familles dirigées par un couple, selon la situation conjugale et le sexe des conjoints, et selon la présence d'enfants, Québec, 2011
Les familles homoparentales peuvent prendre plusieurs formes. Elles peuvent être recomposées, c’est-à-dire que le ou les enfants sont nés d’une union hétérosexuelle antérieure, ou encore planifiées. Les familles homoparentales planifiées sont issues d’un projet parental et prennent naissance dans un contexte homosexuel préexistant. En d’autres mots, elles sont composées de parents qui ont intégré leur identité sexuelle avant de prendre la décision d’avoir un enfant. Ces familles ont habituellement eu recours à l’adoption ou à l’une ou l’autre des techniques de procréation assistée suivantes : l’insémination avec donneur connu, l’insémination artificielle avec donneur inconnu ou la gestation pour autrui
3 (Vyncke et collab., 2008; Tremblay et Julien, 2004; Coalition des familles homoparentales, 2009).
Comment expliquer qu’une si faible proportion de couples de même sexe soient parents? Des recherches menées aux États-Unis et en Europe ont permis de constater que bien que plus faible, le désir d’enfant est bien présent chez les hommes gais et les femmes lesbiennes (Gates et autres, 2007; Patterson et Riskind, 2010; Patterson et Tornello, 2010). Toutefois, plusieurs facteurs, tels que l’incompatibilité perçue entre l’identité parentale et l’identité homosexuelle et la crainte d’élever un enfant dans un environnement hétérosexiste, peuvent influencer négativement leur décision d’être parents (Touroni et Coyle, 2002). Certains couples homosexuels iraient même jusqu’à refouler ou faire le deuil de leur désir d’enfant en raison des préjugés véhiculés au sujet de leur orientation sexuelle (Herbrand, 2009).
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1.3 Plus de mères que de pères
En 2011, la population québécoise compte 1 090 couples formés de deux mères et 315 couples formés de deux pères. À la figure 3, on remarque ainsi que les familles homoparentales sont composées à 77 % de couples féminins, et à 22 % de couples masculins.
Figure 3 – Répartition en nombre et en pourcentage des familles avec au moins un enfant dirigées par un couple de même sexe, selon le sexes des conjoints, Québec, 2011
En outre, les couples féminins vivent plus souvent avec au moins un enfant à la maison que les couples masculins. Les familles homoparentales féminines représentent 14 % des couples formés de deux femmes (1 090/8 020) et les familles homoparentales masculines, 3 % des couples formés de deux hommes (315/10 415) (figure 2).
La littérature scientifique démontre que les obstacles à la parentalité homosexuelle semblent affecter davantage les hommes gais que les femmes lesbiennes. Ces derniers seraient plus fréquemment exposés à des situations qui peuvent les empêcher de se projeter comme de futurs pères. D’une part, il arrive que la décision d’être père soit mal accueillie par la communauté gaie (Ryan et Julien, 2007). D’autre part, l’absence de mère peut également être vue d’un mauvais oeil par la société. La parentalité étant un domaine traditionnellement féminin, les hommes gais qui veulent devenir pères peuvent notamment être confrontés à différents mythes et stéréotypes négatifs, à de la désapprobation sociale et à la dévaluation de leurs compétences parentales (Berkowitz et Marsiglio, 2007; Brinamen et Mitchell, 2008; Herbrand, 2009).
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1.4 En union libre ou mariés?
En 2002, l’adoption de la Loi instituant l’union civile et établissant de nouvelles règles de filiation a donné pour la première fois la possibilité aux couples de même sexe québécois d’officialiser leur situation conjugale en leur permettant de s’unir civilement. Ce type d’union, qui n’existe qu’au Québec, détermine le cadre juridique de la vie conjugale et offre la même protection à tous les couples, homosexuels ou hétérosexuels. Puis, en 2004, une nouvelle possibilité s’ouvre alors que le mariage entre conjoints de même sexe est reconnu au Québec, un an avant qu’il ne soit légalisé au Canada.
Malgré ces avancées sur le plan légal, les couples de même sexe continuent de vivre majoritairement en union libre (tableau 2). En 2011, ce type d’union touche huit couples sur dix. Chez les couples de sexe opposé, environ quatre sur dix vivent en union libre.
Tableau 2 – Répartition en nombre et en pourcentage des familles dirigées par un couple, selon la situation conjugale des conjoints et le type d'union des conjoints, et selon la présence d'enfants, Québec, 2011
Au tableau 2, on peut également observer que les couples de même sexe avec au moins un enfant sont proportionnellement plus nombreux à être mariés (27 %) que ceux sans enfant (19 %), alors que la part de couples de sexe opposé qui ont choisi de se marier est plus faible si ces derniers ont un ou des enfants (60 %), que s’ils sont sans enfant (65 %). Selon l’article 538.3 du Code civil québécois, lorsqu’un enfant est conçu par procréation assistée et issu d’un projet parental entre époux ou conjoints unis civilement, le ou la conjointe de la femme qui a donné naissance bénéficie d’une présomption de parenté. Dans les couples féminins, la seconde mère est ainsi automatiquement inscrite à l’acte de naissance4. Cela ne s’applique toutefois pas aux couples masculins dont les enfants sont conçus par procréation assistée, puisque la gestation pour autrui n’est pas reconnue en droit québécois (Malacket et Roy, 2008). On peut donc présumer que l’établissement d’un lien de filiation direct entre l’enfant né d’un projet parental et les deux conjointes puisse notamment inciter certains couples féminins qui désirent former une famille à se marier ou à s’unir civilement.
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1.5 Des mères plus jeunes que les pères…
Les données présentées jusqu’ici concernaient l’univers statistique des familles. Les trois sections suivantes, qui portent sur l’âge des conjoints dans les couples de même sexe, l’âge des enfants dans les familles homoparentales, ainsi que le lieu de résidence des conjoints dans les couples de même sexe, se rapportent à l’univers statistique des personnes vivant dans les familles.
Au Québec, en 2011, on trouve 2 815 personnes vivant avec un conjoint de même sexe et au moins un enfant à la maison. Environ sept de ces conjoints sur dix ont entre 35 et 54 ans, alors que les moins de 35 ans et les 55 ans et plus représentent respectivement 24 % et 9 % (tableau 3). Chez les couples de sexe opposé avec un ou des enfants, la proportion de conjoints qui ont entre 35 et 54 ans est de 64 %, tandis qu’elle est de 22 % chez les moins de 35 ans et de 15 % dans le groupe des 55 ans ou plus (données non présentées).
Dans les familles homoparentales, des différences existent entre les hommes et les femmes. La proportion de mères lesbiennes âgées de moins de 35 ans (26 %) est plus élevée que celle de pères gais de ce même groupe d’âge (18 %). Quant à la part relative des parents âgés de 55 ans ou plus, elle représente 17 % des pères gais et 6 % des mères lesbiennes (tableau 3).
Par ailleurs, mentionnons que lorsqu’ils sont sans enfant, les conjoints dans les couples formés de deux hommes et les conjointes dans les couples formés de deux femmes se distribuent de façon similaire dans chacun des groupes d’âge.
Tant dans les couples féminins que masculins, environ un conjoint sur quatre est âgé de moins de 35 ans, un conjoint sur deux a entre 35 et 54 ans et un conjoint sur quatre appartient à la catégorie des 55 ans et plus.
Tableau 3 – Répartition en nombre et en pourcentage des conjoints dans un couple de même sexe, selon le sexe et certains groupes d'âge des conjoints, Québec, 2011
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1.6 …avec des enfants plus jeunes
Quelque 2 160 enfants vivent dans une famille formée de conjoints de même sexe au Québec en 2011. La majorité d’entre eux, soit près de huit sur dix, vivent au sein de familles homoparentales féminines (1 685/2 160).
Dans les familles formées de deux mères, la proportion d’enfants de moins de 5 ans est plus grande que dans les familles composées de deux pères. En effet, comme le montre le tableau 4, la proportion d’enfants qui ont entre 0 et 4 ans est de 34 % dans les familles homoparentales féminines et de 15 % dans les familles homoparentales masculines. En contrepartie, les couples gais vivent plus souvent avec un enfant majeur (33 %) que les couples lesbiens (16 %).
La vie de famille des couples de même sexe a changé depuis quelques années. Différentes avenues pour accéder à la parentalité sont dorénavant possibles et davantage d’hommes gais et de femmes lesbiennes commencent à envisager la parentalité dans le cadre d’une relation de couple déjà établie (Patterson et Riskind, 2010). La recherche suggère qu’ils sont de plus en plus nombreux à recourir à la procréation assistée pour devenir parents. Dans le milieu de la recherche, ce phénomène est qualifié de « Gayby boom » (Dunne, 2000). Il est probable que le développement des techniques de procréation assistée ait permis aux couples de même sexe d’élaborer et de réaliser un projet parental plus facilement, et à un âge moins avancé.
Tableau 4 – Répartition en nombre et en pourcentage des enfants vivant dans les familles dirigées par un couple de même sexe, selon le sexe des conjoints et certains groupes d'âge des enfants, Québec, 2011
Il faut toutefois savoir qu’au Québec, seules les femmes lesbiennes peuvent former un projet parental tel que défini par le Code civil, et par le fait même inscrire automatiquement les deux conjointes comme parents au registre de l’état civil (Malacket et Roy, 2008). Il est par conséquent plausible que davantage de femmes lesbiennes que d’hommes gais aient recours à la procréation assistée. Cela pourrait en partie expliquer qu’une plus grande proportion de mères lesbiennes que de pères gais sont âgées de moins de 35 ans et que la proportion de jeunes enfants est supérieure dans les familles dirigées par un couple féminin que dans celles dirigées par un couple masculin.
Des chercheurs prétendent toutefois que pour les hommes gais, un changement générationnel serait également en cours. Dans certains pays anglophones, Patterson et Tornello (2010) ont observé que de plus en plus de couples masculins, surtout ceux âgés de moins de 50 ans, choisiraient de former une famille. En dépit de ce fait, les hommes gais âgés de 50 ans et plus seraient encore aujourd’hui plus souvent devenus pères dans le cadre d’une union hétérosexuelle antérieure. La recomposition familiale semble demeurer à la source de la formation de bon nombre de familles homoparentales, surtout celles dont les conjoints sont plus âgés. Les données dont nous disposons ne sont pas assez précises pour valider ces conclusions pour le Québec.
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2. Conditions de vie
Cette section présente un survol de certaines conditions de vie des familles homoparentales. Elle s’intéresse plus particulièrement au lieu de résidence des conjoints vivant au sein de ces familles, mais aussi à la scolarité, à la présence sur le marché du travail et au revenu des parents.
2.1 Des familles vivant majoritairement hors des régions de Montréal et de la Capitale-Nationale
La figure 4 fait état du lieu de résidence des conjoints dans les couples de même sexe et de sexe opposé, avec et sans enfant. On peut notamment y observer qu’en 2011, les régions de Montréal et de la Capitale- Nationale regroupent la moitié (50 %) des conjoints vivant au sein de couples de même sexe. Dans les couples de sexe opposé, 29 % des conjoints habitent ces régions.
Ces observations surprennent peu. Les milieux urbains sont généralement reconnus pour faire preuve d’une plus grande ouverture envers les minorités sexuelles alors que les milieux régionaux se caractérisent généralement par un plus grand attachement aux valeurs traditionnelles. Les hommes gais et les femmes lesbiennes qui vivent en région éloignée peuvent par exemple avoir à composer avec des préjugés et des attitudes discriminatoires, de l’isolement et le manque de services adaptés à leur réalité (Julien et autres, 2007).
Figure 4 – Répartition en pourcentage des conjoints dans les familles, selon leur situation conjugale et la présence d'enfants, Montréal, Capitale-Nationale et autres régions administratives, 2011
La répartition des conjoints dans les couples de même sexe selon leur lieu de résidence varie selon la présence ou non d’enfant. Comparativement aux couples de même sexe sans enfant, les familles homoparentales sont plus souvent représentées dans les autres régions administratives. En effet, lorsqu’ils vivent avec au moins un enfant, 64 % des conjoints dans les couples de même sexe se trouvent dans les autres régions administratives du Québec. Cette proportion se situe à 49 % pour les conjoints dans les couples de même sexe sans enfant (figure 4).
Dans les couples de sexe opposé, la part de conjoints qui habitent les autres régions administratives est de 70 % pour ceux avec enfants et de 72 % pour ceux sans enfant (données non présentées). Dans les familles homoparentales, de légers écarts apparaissent également au regard du sexe du partenaire, de sorte que 67 % des mères lesbiennes vivent dans les autres régions administratives, comparativement à 58 % des pères gais (données non présentées).
2.2 Des parents plus scolarisés
Les données présentées dans les trois sections suivantes sont tirées du recensement de 2006. Celles-ci se rapportent à l’univers statistique des familles avec conjoints. Dans les couples de même sexe avec un ou des enfants, les parents se distinguent par leur niveau de scolarité élevé (tableau 5). Au Québec, en 2006, dans une famille homoparentale sur deux (49 %), les deux conjoints sont titulaires d’un diplôme collégial ou universitaire. Chez les couples de sexe opposé avec un ou des enfants, les deux conjoints ont atteint ce niveau de scolarité dans 32 % des cas. À l’opposé, près d’une famille hétéroparentale sur deux (42 %) compte deux conjoints sans diplôme ou avec un diplôme d’études secondaires, comparativement à un peu plus d’une famille homoparentale sur quatre (27 %).
Tableau 5 – Répartition en nombre et en pourcentage des familles dirigées par un couple avec au moins un enfant, selon la situation conjugale des conjoints et le plus haut diplôme obtenu par chacun des conjoints, Québec, 2006
2.3 Présence sur le marché du travail et revenu
Au Québec, en 2006, des différences sont observées dans la répartition des familles homoparentales et hétéroparentales en fonction de l’activité sur le marché du travail des parents. Dans environ les trois quarts des familles avec au moins un enfant, qu’elles soient composées de conjoints de même sexe ou de conjoints de sexe opposé, les deux partenaires sont actifs sur le marché du travail5, dans des proportions respectives de 76 % et de 72 % (tableau 6). Par ailleurs, dans 74 % des familles homoparentales, les deux conjoints occupent un emploi6. Chez les familles avec un ou des enfants dirigées par un couple de sexe opposé, cette proportion est un peu plus faible, se situant à 66 %. Mentionnons également qu’environ deux familles avec un ou des enfants sur dix, qu’elles soient dirigées par un couple de même sexe ou de sexe opposé, comptent un conjoint actif et un conjoint inactif. De plus, la part de familles avec enfants dont les deux conjoints sont inactifs se situe à 7 % pour les familles hétéroparentales et à 4 % pour les familles homoparentales. Enfin, comme le montre le tableau 7, le revenu familial après impôt moyen au Québec en 2005 est de 66 000 $ chez les familles homoparentales et de 65 000 $ chez les familles hétéroparentales.
Tableau 6 – Répartition en nombre et en pourcentage des familles dirigées par un couple avec au moins un enfant, selon la situation conjugale et l'activité des conjoints sur le marché du travail, Québec, 2006
Tableau 7 – Revenu total familial après impôt moyen de 2005 ($) des familles dirigées par un couple avec au moins un enfant, selon la situation conjugagle des conjoints, Québec, 2006
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En résumé
Au Québec :
- entre 2001 et 2011, le nombre de couples de même sexe a connu une augmentation de 78 %;
- en 2011, 8 % des couples de même sexe vivent avec au moins un enfant à la maison;
- en 2011, les familles homoparentales sont formées à 77 % de couples féminins, et à 22 % de couples masculins;
- même si, en 2011, les couples de même sexe vivent majoritairement en union libre, ceux qui ont un ou des enfants sont plus nombreux en proportion à être mariés (27 %) que ceux qui sont sans enfant (19 %);
- en 2011, les mères lesbiennes sont proportionnellement plus nombreuses que les pères gais à être âgées de moins de 35 ans. Cette situation concerne 26 % des mères lesbiennes et 18 % des pères gais. Dans huit cas sur dix, les enfants dans une famille formée de conjoints de même sexe vivent au sein d’une famille homoparentale féminine;
- en 2011, les régions de Montréal et de la Capitale-Nationale regroupent 50 % des conjoints formant un couple de même sexe, comparativement à 29 % des conjoints formant un couple de sexe opposé. Quant aux conjoints dans les familles homoparentales, 64 % d’entre eux vivent dans les autres régions administratives du Québec;
- en 2006, dans près d’une famille homoparentale sur deux, les deux conjoints détiennent un diplôme d’études collégiales ou universitaires. Chez les familles hétéroparentales, cette proportion est inférieure (32 %);
- en 2006, dans environ les trois quarts des familles québécoises, qu’elles soient homoparentales ou hétéroparentales, les deux conjoints sont actifs sur le marché du travail;
- dans les familles homoparentales, le revenu familial total après impôt moyen en 2005 est de 66 000 $.
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Notions, définitions et particularités des données
Enfant d’une famille de recensement
Depuis 1991, les enfants d’une famille de recensement incluent les enfants de tous âges jamais mariés, vivant à la maison avec au moins un de leurs parents. Cette notion ne fait pas seulement référence à une population de personnes mineures. Entre 1996 et 2001, des changements ont été apportés à la notion d’enfant. Sont maintenant inclus :
- les petits-enfants vivant dans le ménage d’au moins un de leurs grands-parents, en l’absence des parents;
- les fils et filles qui ont été mariés, à condition qu’ils n’aient pas d’époux, d’épouse, de partenaire en union libre ou d’enfant vivant dans le ménage. Auparavant, il s’agissait d’enfants qui n’avaient jamais été mariés et vivaient à la maison.
Les enfants en garde partagée sont dénombrés, le jour du recensement, au domicile du parent qui en a la garde principale. Dans les cas de garde partagée également, les enfants sont recensés avec le parent chez qui ils résident le jour du recensement.
À noter :
- Un enfant d’une famille de recensement peut être très jeune ou relativement âgé. Il doit résider avec au moins un de ses parents; il peut avoir été ou être encore marié ou en union libre, mais ne doit pas habiter avec son conjoint au domicile de son ou de ses parents.
- Les enfants en foyer nourricier et les pupilles (enfants en tutelle) sont considérés comme chambreurs et comme personnes hors famille de recensement.
- Lorsque les fils et les filles sont aux études ou occupent un emploi d’été ailleurs et retournent vivre avec au moins un de leurs parents au cours de l’année, ces fils et ces filles sont considérés comme des membres de la famille de recensement de leur ou leurs parents.
Famille de recensement
Au sens du recensement, une famille de recensement fait partie des ménages privés. Elle comprend les conjoints (de sexe opposé ou de même sexe), mariés (y compris ceux de même sexe depuis le recensement de 2006) ou en union libre (de sexe opposé, ou de même sexe depuis le recensement de 2001), avec ou sans enfants (du couple ou de l’un ou l’autre des conjoints) à la maison, les parents seuls qui ont la charge d’enfants et les enfants. Lorsque les fils et les filles sont aux études ou occupent un emploi d’été ailleurs et retournent vivre avec au moins un de leurs parents au cours de l’année, ces fils et ces filles sont considérés comme des membres de la famille de recensement de leur ou leurs parents.
Certains changements caractérisent la notion de famille depuis 2001 :
- Les familles formées d’un couple en union libre incluent maintenant les couples de même sexe et leurs enfants, s’ils en ont.
- Les « enfants » de tous âges, dans une famille de recensement, incluent :
- les petits-enfants vivant dans le ménage d’au moins un de leurs grands-parents, en l’absence des parents;
- les fils et les filles qui ont été mariés, à condition qu’ils n’aient pas d’époux, d’épouse, de partenaire en union libre ou d’enfant vivant dans le ménage. Auparavant, il s’agissait d’enfants qui n’avaient jamais été mariés et vivaient à la maison.
À noter :
- Une personne vivant dans une famille de recensement fait nécessairement partie d’un ménage privé.
- Une même habitation peut abriter plusieurs familles de recensement.
- Une famille de recensement peut être intacte ou recomposée.
- Un enfant vivant dans un centre d’accueil n’est pas considéré comme vivant dans une famille, au sens du recensement.
- Au sens du recensement, un enfant, s’il répond aux critères cités précédemment, peut être par exemple un adulte de 40, 50 ans ou même plus, s’il vit toujours avec ses parents.
- Dans le recensement, un parent qui n’a pas la charge principale d’un ou de plusieurs de ses enfants et qui vit seul est considéré comme hors famille et célibataire. Si le parent seul assume la garde, en parts égales, avec l’autre parent et si son ou ses enfants résidaient avec l’autre parent le jour du recensement, il n’a pas été comptabilisé, contrairement à l’autre parent, parmi les familles monoparentales. S’il forme une nouvelle union avec un conjoint ou une conjointe, ce parent est considéré comme conjoint avec ou sans enfants dans cette nouvelle famille.
- Un frère et une soeur ou deux cousins, par exemple, résidant dans un même logement, sont considérés comme hors famille de recensement.
- Une famille sans enfants peut désigner un couple de parents dont les enfants ont quitté le domicile familial.
Ménage privé
Un ménage privé est formé d’une personne ou d’un groupe de personnes (autres que des résidents étrangers) occupant un logement privé et n’ayant pas de domicile habituel ailleurs au Canada. Cette notion peut désigner des ménages familiaux composés de personnes vivant dans une famille ou hors famille, de même que des ménages non familiaux, parmi lesquels on compte les personnes seules.
Plus haut certificat, diplôme ou grade obtenu
Il s’agit d’une variable dérivée obtenue à partir des réponses aux questions sur les titres scolaires où l’on demandait de déclarer tous les certificats, diplômes ou grades obtenus. Cette variable comporte une hiérarchie implicite (diplôme d’études secondaires, certificat d’apprenti inscrit ou d’une école de métiers, diplôme d’études collégiales, certificat, diplôme ou grade universitaires) qui est plus ou moins liée à la durée des divers programmes d’études « en classe » menant aux titres scolaires en question. Toutefois, sur le plan détaillé de la hiérarchie, un apprenti inscrit n’a pas toujours obtenu de diplôme d’études secondaires, de même qu’une personne possédant une maîtrise n’a pas nécessairement un certificat ou un diplôme supérieur au baccalauréat. Par conséquent, même si la liste des catégories n’est pas nécessairement hiérarchique, elle donne quand même une mesure générale de la réussite scolaire.
Population active
Désigne les personnes qui, pendant la semaine du dimanche 1er mai au samedi 7 mai 2011, étaient soit en situation d’emploi soit en chômage.
Population en emploi
Désigne les personnes qui ont déclaré avoir travaillé comme salariées ou à leur compte au cours de la semaine du dimanche 1er mai au samedi 7 mai 2011. Cette population exclut les chômeurs.
Population inactive
Désigne les personnes qui, pendant la semaine du dimanche 1er mai au samedi 7 mai 2011, n’étaient ni occupées ni en chômage. Les inactifs comprennent les étudiants, les personnes au foyer, les retraités, les travailleurs saisonniers en période de relâche qui ne cherchaient pas un travail et les personnes qui ne pouvaient travailler en raison d’une maladie chronique ou d’une incapacité à long terme.
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Des totaux qui paraissent erronés?
Comme les données sont issues du Recensement du Canada, les totaux affichés diffèrent souvent de la somme des composantes qui les sous-tendent. Statistique Canada effectue des arrondissements aléatoires pour des raisons de confidentialité. Les nombres sont ainsi arrondis vers le haut ou vers le bas, jusqu’à un multiple de 5 ou de 10, dans certains cas. Lorsque des données sont supprimées pour une population de taille trop réduite, elles sont toutefois incluses dans les totaux ou sous-totaux.
Liste des tableaux et figures disponibles
Toutes les données qui ne sont pas présentées dans les tableaux et figures de ce bulletin sont disponibles sur demande. Faites votre commande à l’adresse de courriel suivante : quelle-famille@mfa.gouv.qc.ca. Les tableaux et figures produits antérieurement dans le document Un portrait statistique des familles au Québec, édition 2011 peuvent être consultés sur le site Web du ministère de la Famille.
1. Parmi les mesures législatives adoptées par le gouvernement fédéral canadien, mentionnons la décriminalisation, en 1969, des rapports sexuels entre deux adultes consentants de même sexe et l’interdiction, en 1996, de se baser sur l’orientation sexuelle comme motif de distinction dans divers régimes d’assurances et d’avantages sociaux. Notons toutefois que dès 1977, le Québec interdisait la discrimination sur la base de l’orientation sexuelle (Ministère de la Justice, 2009).
2. Dans ce texte, les termes « parent(s) », « père(s) » ou « mère(s) » réfèrent tant à un parent ayant un lien biologique avec l’enfant, qu’à un beau-parent ou à un parent social, c’est-à-dire à un parent qui participe à l’élaboration du projet parental, mais qui n’a aucun lien biologique avec l’enfant (Julien et collab., 2001). Dans les recherches scientifiques portant sur les familles homoparentales, le parent social peut aussi être appelé « coparent » (ex. : Leblond de Brumath et collab., 2006), ou encore être qualifié de parent « non statutaire » (ex. : Descoutures, 2006). Le recensement du Canada ne permet pas de différencier ces divers statuts parentaux.
3. La gestation pour autrui est une méthode de procréation assistée qui consiste à faire appel à une femme – souvent appelée mère porteuse – pour porter un enfant pour le compte d’autrui. À la naissance de l’enfant, ce dernier est généralement remis à la personne ou au couple qui a retenu les services de la mère porteuse (Commissaire à la santé et au bien-être, 2014).
4. Si les conjointes de même sexe vivent en union de fait, celle qui n’a pas donné naissance à l’enfant peut tout de même être inscrite comme mère à l’acte de naissance, mais la présomption de parenté ne s’applique pas (Malacket et Roy, 2008).
5. Les personnes actives sur le marché du travail peuvent soit occuper un emploi, soit être en chômage.
6. Les personnes en emploi appartiennent à la population active, mais cette catégorie exclut les chômeurs.
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